Rencontre avec Arnaud Lunel, chef du département immobilier & investissements de l'AP-HP

Avocat de formation, en charge de la politique immobilière de l’Etat de 2012 à 2016 au cabinet du Ministre du Budget, il rejoint alors l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris où il exerce aujourd’hui les fonctions de chef du département immobilier & investissements. Les problématiques énergétiques, jusqu’alors indépendamment gérées, lui sont rattachées en 2020… Rencontre avec Arnaud Lunel pour évoquer les enjeux de la chaleur pour l’AP-HP, second plus gros client de la CPCU.

Qu’est-ce qui vous a motivé de quitter Bercy pour rejoindre l’AP-HP ?

Les quatre années passées au Ministère des Finances ont été déterminantes pour moi : venu du privé, j’y ai découvert la sphère administrative et politique, j’ai acquis une expertise en matière d’immobilier public, et surtout, j’ai rencontré des personnalités exceptionnelles, à Bercy et dans l’environnement interministériel. Après quatre ans au sein du cabinet Budget, j’ai souhaité exercer des fonctions plus opérationnelles, toujours en lien avec l’immobilier public. Lorsque l’opportunité s’est présentée de rejoindre l’AP-HP, une institution tout entière dédiée à l’intérêt général et porteuse de projets immobiliers majeurs à l’échelle du Grand Paris, je n’ai pas hésité.     

Quel est le rôle du département immobilier & investissements de l’AP-HP ?

Le département immobilier et investissement regroupe plus de cinquante collaborateurs, et dépend de la Direction économique, financière, de l’investissement et du patrimoine de l’AP-HP. Il définit la stratégie immobilière, programme la trajectoire d’investissement, conduit en tant que maître d’ouvrage les grandes opérations immobilières, et valorise le patrimoine de l’institution soit 3,3 M de m² hospitaliers, ou encore 200.000 m² de logements.

Il assure aussi la politique de trésorerie et de financement de l’AP-HP : nous empruntons 200 à 300 M€ par an, et cédons une centaine de M€ d’actifs immobiliers, pour financer un plan d’investissement annuel d’un demi-milliard d’euros.

Le département est également chargé, en lien avec les groupes hospitaliers, de la politique technique, c’est-à-dire de la sécurité et de la conformité des bâtiments : la gestion des risques incendie, amiante, crue de Seine, la sécurité des appareils élévateurs, des installations techniques, l’accessibilité… Il intervient aussi sur le sujet stratégique du logement des personnels de santé. Enfin, depuis début 2020, il intègre la gestion de l’énergie.

Pourquoi l’énergie jusqu’alors gérée indépendamment a-t-elle été rattachée à votre département ?

Il existe une vraie composante bâtimentaire dans la fourniture de l’énergie. Typiquement, lorsque l’on réalise des grands projets de construction comme à l’hôpital Sainte-Périne ou Lariboisière, on prend en compte la question de l’alimentation en chauffage très en amont dans le cadre du projet immobilier. Par ailleurs, la performance énergétique des bâtiments et leur qualité environnementale nous concernent fortement : quelles énergies utiliser pour alimenter nos constructions en termes de coût, d’impacts, de durabilité … ? L’énergie est également une compétence gérée par le siège de l’AP-HP pour bénéficier d’une politique d’achats centralisée.

Et enfin, s’agissant spécifiquement de la CPCU, les enjeux sont aussi fonciers, puisque nous accueillons deux de vos chaufferies sur nos sites : Claude-Bernard à côté de l’hôpital Bichat, et l’hôpital Bicêtre au Kremlin-Bicêtre. Ces thématiques foncières relèvent également de l’immobilier. C’est pourquoi en 2020, nous avons rapproché deux équipes, celle dédié à la stratégie des investissements et celle en charge de la maîtrise d’ouvrage et de la politique technique, en un nouveau département immobilier & investissements.

Quels sont vos grands enjeux dans le cadre de la fourniture de chaleur ?

Sur 1 million de MWh annuels de consommation d’énergie, près de 400 000 MWh concernent la fourniture de chaleur CPCU, ce qui nous place en second rang de vos clients derrière la Ville de Paris. L’enjeu de coût est donc central, mais je citerai en premier l’enjeu de continuité de service qui est fondamental à notre activité – ce fut le cas notamment pendant le confinement, à un moment crucial pour les hôpitaux. La CPCU chauffe une majorité des bâtiments de l’AP-HP. La chaleur sert au chauffage et à l’eau chaude sanitaire, mais elle a aussi des usages industriels : la stérilisation de nos équipements de blocs opératoires, sans laquelle les blocs ne peuvent pas fonctionner, et l’activité internalisée de blanchisserie. La blanchisserie est un outil industriel stratégique, très impressionnant en termes d’activité, particulièrement dans le contexte sanitaire actuel : elle traite plus de 50 tonnes de linge par jour. La CPCU est un réseau sur lequel on doit pouvoir compter, comme sur la mobilisation et la réactivité de ses équipes notamment en cas d’incidents sérieux.

J’évoquerais ensuite l’enjeu environnemental. Installée en Ile-de-France, l’AP-PH est soucieuse de ses impacts sur le territoire. Important consommateur de chaleur, elle se doit d’utiliser l’énergie la moins carbonée possible : à cet égard, celle du réseau de chauffage urbain est produite majoritairement à partir de sources locales, renouvelables et de récupération.

Puis, je mentionnerais l’enjeu d’efficacité énergétique. Notre consommation de chaleur CPCU est très stable dans le temps, assez peu impactée par les variations climatiques. Cette situation démontre que nous avons des progrès à faire pour réguler et optimiser notre utilisation de la chaleur. L’efficacité rejoint l’enjeu du coût et la préoccupation environnementale, évoqués précédemment : la chaleur CPCU représente un poste de charge très significatif, même si les tarifs sont encadrés et stables.

Et je finirais par un enjeu d’avenir avec l’approche de la fin de concession de la CPCU et ses impacts potentiels tarifaires et fonciers mais aussi serviciels, sur lesquels l’AP-HP sera nécessairement vigilante, et qui relèvent de notre relation globale tissée au fil du temps.    

Crédit photo : François Marin/AP-HP